Naturel ou chimique ?
De manière un peu simpliste, on a tendance à classer les produits en deux catégories : naturel et chimique. Le « naturel » étant, « par nature », bon, sain, écologique… et le chimique qui est nocif, polluant, industriel…
Remettons un peu d’ordre dans tout ça !
Tout est chimique !
On appelle espèce chimique un ensemble d’atomes, d’ions ou de molécules identiques. Donc, toute la matière est chimique : l’eau pure est une espèce chimique : un ensemble de molécules : H2O.
Cependant, on peut légitimement se demander s’il existe des différences entre une molécule extraite directement de la nature et une autre qui sort d’une usine « chimique ».
Commençons par quelques définitions :
Espèces chimiques naturelles
Les espèces chimiques naturelles sont les espèces chimiques non inventées par l’être humain.
Espèces chimiques artificielles
Les espèces chimiques artificielles sont les espèces chimiques inventées/créées par l’être humain, à l’aide de transformations chimiques. Elles n’existent pas dans la nature.
Espèces chimiques synthétiques
Les espèces chimiques synthétiques sont des espèces chimiques, naturelles ou artificielles, qui ont été fabriquées par des êtres humains. Si l’espèce existe dans la nature, on parlera d’espèce naturelle de synthèse. Par contre, toutes les espèces artificielles sont synthétiques.
Exemple de la vanille :
La vanilline est une espèce chimique naturelle, car elle est présente dans la gousse de vanille. Si une entreprise fabrique de la vanilline à partir de l’isoeugénol (extrait du clou de girofle) en utilisant plusieurs réactions chimiques, le produit final, synthétique, est aussi naturel, car la molécule existe dans la nature. On parlera de vanilline de synthèse.
En revanche, les industriels préfèrent utiliser l’éthylvanilline. Cette espèce, très proche de la vanilline naturelle, est plus facile à synthétiser et son pouvoir aromatisant est plus fort. Mais, elle n’existe pas dans la nature, elle a été créée par l’homme. C’est une espèce artificielle.
Aucune différence n’existe entre la vanilline extraite et la vanilline de synthèse. C’est la même molécule de base et il est impossible de savoir son origine. Pourtant, les connaisseurs savent faire la différence entre les deux origines. C’est parce que l’extrait de vanille n’est pas de la vanilline pure, c’est un mélange de plusieurs molécules odorantes. C’est d’ailleurs ce qui permet de savoir l’origine de la vanille : Madagascar, Mayotte ou Tahiti.
Cas particulier de l’industrie textile
Pour l’industrie textile, les termes naturel, artificiel et synthétique prennent un autre sens.
On dit qu’une fibre est naturelle si, entre la matière première et le matériau commercialisé, il n’y a eu que des transformations mécaniques (nettoyage, filage, tissage…). On a changé la forme ou l’aspect de la matière première mais on a pas fait de transformation chimique.
Par contre, s’il y a eu une ou plusieurs transformations chimiques, la fibre obtenue sera soit artificielle si la matière première était d’origine naturelle, soit synthétique si elle est issue ressource fossile (pétrole ou charbon).
Exemples :
Fibres naturelles d’origine animale : soie, laine, alpaga, mohair, cachemire…
Fibres naturelles d’origine végétale : coton, lin, chanvre, coco, jute, sisal, rafia, tapa…
Fibres artificielles à base de cellulose : viscose, lyocel, modal…
Fibres artificielles à base de protéines : fibres de lait, de soja, de carapaces de crustacés ou d’algues.
Fibres synthétiques : polyester (Tergal, Dacron…), polyamide (Nylon, Perlon, Kevlar…), polyuréthane (Lycra…)
Voir le site de textile-technique pour plus d’infos sur les textiles.
Biosourcé ou pétrosourcé
L’industrie des textiles non naturels s’est développée pour pouvoir produire en masse et pour ne plus subir les aléas des productions naturelles qui sont soumises aux caprices de la météo. Il y a des bonnes années … et des mauvaises. La Rayonne a été créée comme soie artificielle avec des coûts de production bien inférieurs à ceux de la soie véritable.
Ensuite sont arrivées toutes les fibres issues du pétrole ainsi que tous les matériaux plastiques. Tous ces matériaux pétrosourcés on permis de grandes innovations et une baisse des coûts.
Cependant, on sait aujourd’hui que le pétrole est une ressource épuisable et géopolitiquement sensible. Il faut donc trouver des équivalents d’origine renouvelable et on revient aux matériaux biosourcés.
Ironie de l’histoire, il y a 100 ans, on finançait de la recherche pour créer des matériaux synthétiques pétrosourcés imitant les matières naturelles. On a réussi et on a même obtenu des matériaux bien plus performant que leurs équivalents naturels. Mais aujourd’hui, on retourne à la nature pour produire des matériaux biosourcés imitant les synthétiques. En fait, on utilise les procédés chimiques développés pour l’industrie du pétrole qu’on adapte à une matière première d’origine renouvelable donc naturelle.
Biosourcé, biologique, biodégradable ?
Attention à l’appellation « biosourcé » qui contient « bio ». Ces matières premières sont très majoritairement d’origine végétale, donc elles contribuent à fixer du CO2 et le bilan carbone est meilleur que celui des produits pétrosourcés. Cela justifie ainsi leur image « verte ».
Cependant, comme pour les agrocarburants, on peut s’interroger sur la pertinence du développement d’une agriculture dédiée à la production de matériaux. Où trouver les surfaces agricoles consacrée à leur production ? On prend sur les terres dédiées à la productions alimentaires ou on fait de la déforestation ?
En outre, le bilan environnemental, énergétique, hydrique, ainsi qu’économique de la production de ces polymères biosourcés est encore loin d’être très favorable.
Par ailleurs, « biosourcé » n’est pas équivalent à « biodégradable ». En effet, ce n’est pas l’origine des hydrocarbures (fossiles ou renouvelable) qui confère à un polymère sa biodégradabilité. C’est sa composition qui rend le polymère plus ou moins sensible à l’action des micro-organismes de l’environnement naturel.
Un matériau biosourcé n’est donc pas forcément écologique.
Il existe des matières plastiques biodégradables aussi bien d’origine pétrochimique que biosourcées ; on parle dans ce dernier cas de bioplastique, dont les dérivés d’amidons biodégradables constituent l’exemple type.
Toutes les grandes familles de polymères issues des hydrocarbures fossiles ont actuellement un équivalent biosourcé, à l’exception notable du polystyrène.
Si c’est bio, c’est bon ?
Ce n’est pas parce qu’un produit est naturel qu’il est bon, sain, écologique… La nature n’a pas attendu la main de l’homme pour créer des poisons ou pour dégager du CO2 ou même des substances radioactives.
De son coté, l’homme a créé une multitude de matériaux, de textiles ou de produit qui ont sauvé des millions de gens. On a créé des matériaux qui permettent de se protéger des intempéries, du froid ou du chaud, des chocs, des microorganismes…
Le choix d’un matériau n’est pas simple. Il est complètement illusoire de réduire le problème à « naturel ou industriel », avec comme présupposé que le « naturel » serait mieux. Utiliser les matériaux qui sont le plus respectueux de notre environnement est très largement souhaitable mais parfois, c’est l’artificiel le meilleur !